Biographie

Déchirer, inciser, perforer, froisser, gratter, réaliser des empreintes, etc. : la peinture d’Anne-Marie Milliot réactive certains gestes décisifs des années 1950-1980, gestes initiés par Lucio Fontana, Jean Degottex, certains membres du groupe Support-Surface, d’autres encore. C’est dire qu’elle n’a en rien abdiqué le côté expérimental de ces années-là, qu’elle n’a pas baissé la garde, cédé à la tentation du confort de la répétition, de l’embourgeoisement. C’est dire également qu’elle ne se sent pas écrasée par les références citées, mais au contraire vivifiée, stimulée par elles.

De tous les gestes mentionnés, celui d’inciser est le plus essentiel car il est le principe de plusieurs de ses séries. La peinture d’AMM est ainsi une peinture par incision. L’incision laisse, en effet, jouer la capillarité de la couleur à travers le support, brouillant les faces (où est le recto ? ; où est le verso ?), engageant entre elles un jeu de va-et-vient, de dialogue. Nombre de ses œuvres seraient à présenter non contre un mur, mais dans l’espace, afin que les deux faces soient visibles.

AMM peint par série, jusqu’à la panne. Elle peint tant que le travail en cours la surprend, l’étonne, l’amuse, l’émerveille. Ce qu’elle aime : se donner au départ quelques règles, certaines contraintes, qui, en cours de route, dévieront, viendront la surprendre – voire la menacer. Si le résultat est donné au départ, alors à quoi bon continuer de peindre…

AMM ne vit pas sur ses acquis ; à chaque nouvelle série, elle les met en jeu. La réussite est souvent très près de l’échec : un mince fil les sépare. La plupart du temps, on ne sait pas très bien à quoi tient la réussite ou l’échec, le basculement d’un côté ou de l’autre.

Il nous faut aller à la rencontre de la peinture émerveillante d’AMM, avec nos yeux, notre cœur et notre corps, notre culture. Alors s’annonce une découverte – ce qui n’est pas si fréquent.

Christian Limousin, Anne-Marie Milliot. L’étape de Vézelay, Maison Jules-Roy, Vézelay, 2012. Extrait.